Fonds culinaire de la bibliothèque Méjanes (Aix-en-Provence)

Publié le par Interdisciplin'art

 

Le fonds de la salle Peiresc de la bibliothèque Méjanes est précieux en ouvrages culinaires anciens. J'y ai passé des journées entières lors de mes études en raison de la quantité de livres et traités de cuisine édités sous l'Ancien Régime. Pour une bibliothèque de province non spécialisée sur  ce sujet, elle est d'une richesse surprenante et appréciable lorsque l'on fait ses études à l'université de Provence.

 

La bibliothèque Méjanes est une ancienne manufacture d'allumettes transformée en ensemble culturel en 1989. Elle abrite le fonds du marquis de Méjanes (1729-1786), bibliophile, qui a légué sa collection n'ayant cessé de s'enrichir par des achats et des dons. De sa mort au transfert à la Cité du Livre (actuelle bibliothèque), les quelque milliers d'ouvrages sont conservés dans les locaux de la mairie d'Aix-en-Provence.

 

La collection du marquis au départ était constituée de près de 80 000 ouvrages et son legs comportait la condition qu'elle soit mise à disposition du public. Et celui-ci l'en remercie !

 

Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, conseiller du Parlement de Provence, est né en 1580 et il décède dans la ville d'Aix-en-Provence. C'est dans une salle qui lui est dédiée que se trouve le fonds culinaire.

 

Voici pour commencer quelques manuels bibliographiques qui sont disponibles pour le chercheur. En accès libre, ce sont les principaux ouvrages bibliographiques sur la gastronomie et leur dépouillement permet de se constituer une base de travail car ils recensent les ouvrages connus sur l'alimentation, la cuisine et tout ce qui a partie liée avec la table. Il s'agit d'un ensemble incontournable pour toute personne qui travaille sur la question. Petit plus pour l'ouvrage intitulé Livres en bouche car c'est un catalogue d'exposition (et aussi l'ouvrage bibliographique le plus récent) avec des articles rédigés par les plus grands spécialistes de l'histoire de l'alimentation, notamment par le très regretté Jean-Louis Flandrin

 

- André-Louis SIMON, Bibliotheca bacchica, Bibliographie raisonnée des ouvrages imprimés avant 1800 et illustrant la soif humaine sous tous ses aspects, chez tous les peuples et dans tous les temps, Maggs, brothers, Londres, 1932.

 

- Gérard OBERLÉ, Les fastes de Bacchus et de Comus ou Histoire du Boire et du Manger en Europe de l’Antiquité à nos jours à travers les livres, Paris, 1989.

 

-  Georges VICAIRE, Bibliographie gastronomique, Paris, 1980.       

 

-  Sabine CORON (sous la direction de), Livres en Bouche. Cinq siècles d’art culinaire français du XIVème siècle à la fin de l’Ancien Régime, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 21 novembre 2001 – 17 février 2002, Coédition Hermanna, Bibliothèque nationale de France, Paris, 2001.

 

 

Et dans cet éventail de manuels bibliographiques sur la gastronomie, on trouve un certain nombre de livres dans les réserves de la bibliothèque. Étant spécialiste des XVIIe et XVIIIe siècles, ce sont les ouvrages de ces deux siècles que j'ai été amenée à étudier. Je vous présente ici une liste bien évidemment non exhaustive des livres les plus couramment utilisés que l'on trouve dans le fonds de la bibliothèque.

 

 

 

Pour le XVIIe siècle :

 - Joseph DU CHESNE, Pourtraict de santé ; ou reigle de bien sainement et longuement vivre, Paris, 1620. (1600 première édition)  

 Pierre François dit LA VARENNE, Le cuisinier françois, contenant la manière de bien apprêter et assaisonner, s.n., Brusselles, 1698 (1ère édition 1651).

- César PELLENC, Les plaisirs de la vie par César Pellenc, Jean Roize, Aix-en-Provence, 1655.

Nicolas de BLÉGNY, Le bon usage de thé du café et du chocolat pour préserver la santé et guérir les maladies, s.n., Paris, 1687.

 - Nicolas de BLÉGNY, Abrégé des Traitez du Café, du Thé et du Chocolat, pour la préservation et la guérison des malades, s.n., Paris, 1689.

 -  Louis LIGER, Économie générale de la campagne, ou nouvelle Maison Rustique. Par le sieur Liger d’Auxerre, Charles de Sercy, Paris, 1700, 2 volumes.

  - Traité des alimens où l’on trouve par ordre et séparément la différence et le choix qu’on doit faire, 1712.

  - Louis LIGER, Le ménage des champs et de la ville ou Nouveau Cuisinier françois accomodé au goût du temps. Contenant tout ce qu’un parfait chef de cuisine doit savoir servir toutes sortes de tables, David l’Aîné, Paris, 1714.

 Notons que Le cuisinier françois  de La Varenne, publié pour la première fois en 1651, est le premier livre de cuisine moderne. C'est lui qui ouvre la voie aux autres ouvrages qui vont voir le jour par la suite. Dans l'édition de la Méjanes, plus tardive, ont été également imprimés les traités concernant le sommelier et l'écuyer-tranchant (officier chargé de couper les viandes, poissons, tartes et fruits).

L'ouvrage de César Pellenc est rare et très peu de bibliothèques l'ont dans leurs fonds. La Méjanes fait partie de ces rares bibliothèques à en posséder un exemplaire. Il s'agit d'un recueil de poèmes tous dédiés à l'alimentation et aux arts de la table. Cet ouvrage a été écrit par le cuisinier d'Honoré de Brancas de Forcalquier ; c'est donc un ouvrage "provençal". Voici un poème dédié aux verres (en moyen français) :

 

"Arcenal de verre et d’argile,

Dont les armes font plus d’effets

Que les piques et les mousquets,

Quoy que leur corps soit plus fragile :

Fort donjon, sur qui le canon

Se pointe tousiours en façon

Qu’il ne maque iamais les testes.

Buffet, tous les buffets fumans,

Qui ravagent comme tempestes

Sont bien moins dangereux

Quoy que plus etonnans."

 

 

 

Pour le XVIIIe siècle :

 

Massialot, Vincent la Chapelle, Gilliers et Menon sont les principaux auteurs des livres de cuisine et d'office du siècle des Lumières. Et on a là une belle brochette d'auteurs culinaires, si je puis m'exprimer ainsi...

 

La photo ci-dessous est issue du Cuisinier moderne de Vincent La Chapelle et montre les plats que l'on peut trouver sur la table avec les noms correspondants. Il s'agit d'une sorte de légende servant aux plans de table que l'on trouve dans le reste de l'ouvrage. Notons également que si les ouvrages du Grand Siècle étaient déjà illustrés, au XVIIIe siècle, l'iconographie est plus vaste et plus variée (notamment avec le Cannaméliste françois de Gilliers).

 

 

Vincent la chapelle

 

 

 - LEBAS, Festin joyeux ou la cuisine en musique en vers libres, chez l’Esclapart Père et fils, Paris, 1738.


- Nouveau traité de la cuisine avec de nouveaux desseins de tables et vingt quatre menus ; où l’on apprend ce que l’on doit servir suivant chaque saison..., David, Paris, 1739, 2 volumes.

 

- MASSIALOT, Nouvelles instructions pour les confitures, les liqueurs et les fruits, s.n., Paris, 1740.

 

-  Vincent LA CHAPELLE, Le cuisinier moderne, qui apprend à donner toutes sortes de repas, s.n., Paris, 1742.

 

 - GILLIERS, Le Cannameliste français ou nouvelle instruction pour ceux qui désirent apprendre l’Office, rédigé en forme de dictionnaire, contenant les Noms, les descriptions, les usages, les chois, & les principes de ce qui se pratique dans l’Office. Par le sieur Gilliers, chef d’office & distillateur de Sa Majesté le Roi de Pologne, Duc de Lorraine & de Bar., auteur (chez l’), Nancy, 1751.

 

 -  MENON, Cuisine et Office de santé, Leclerc, Prault père, Babuty père, Paris, 1758.

MENON, Manuel des officiers de bouche, ou précis de tous les apprêts, etc., s.n., Paris, 1759.

 

 -  Ordre et règlement qui s’observent dans la maison de Mgr le duc d’Orléans pour la conduite de la bouche, donnés par M. le M***, premier maître d’hôtel, s.n., Paris, 1764.

 

 - Essai sur la préparation des alimens, Onfroy, Londres, Paris, 1782.

 

 

 Pour terminer sur une note poétique, voici un petit extrait tiré de l'ouvrage de Lebas qui, tout au long de son livre, présente, sous forme de poèmes ou plus exactement de chansons, des aliments ou des recettes de cuisine. En effet, pour chacun est indiqué l'air sur lequel les paroles doivent être mises. Ce sont des airs familiers de l'époque où les chansons à boire et à manger étaient monnaie courante.

 

 

Sur l'air de Joconde :

 

"Le couvert mis bien galamment

Les tables bien éclairées,

Un rost de biffe bien proprement

Se met dans les Entrées ;

A la braise un bon aloyau

Et d'un veau de rivière

Un quartier cuit comme il faut,

Font une chere entiere.

 

Une galere paroitra

De béatilles pleine,

Qu'avec soin on ornera

Sans épargner sa peine,

Où l'Arche de Noé d'abord

Sera fort bien servie

Et mere carpe à la Chambort

Après l'avoir farcie."

 

 

 

Il est très agréable de travailler dans la salle Peiresc, où ne sont admis que les lecteurs qui effectuent des recherches sur les ouvrages conservés dans le fonds, car il s'agit d'une petite salle composée de cinq ou six tables sur lesquelles se trouvent des "plaques commémoratives" portant le nom de lettrés ayant travaillé, notamment celui de Frédéric Mistral. Par ailleurs, le personnel dans son intégralité est toujours très à l'écoute et disponible pour les chercheurs.

 

La trentaine de reproductions illustrant mon livre Les Rois à table est issue des livres du fonds ancien de la bibliothèque.

 


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N
<br /> Merci pour l'imposante bibliographie. Elle donne l'eau à la bouche.<br /> <br /> <br /> Naguère.<br />
Répondre
I
<br /> <br /> Oui c'est vrai qu'elle donne l'eau à la bouche. Et pour l'avoir expérimenté, je peux dire autant au sens propre qu'au sens figuré !<br /> <br /> <br /> Merci de votre passage<br /> <br /> <br /> <br />