Ponson du Terrail, Rocambole : reconstitution littéraire d'un hôtel particulier

Publié le par Interdisciplin'art

 

 

Dans ce roman-feuilleton français du troisième quart du XIXe siècle, Ponson du Terrail décrit l'hôtel particulier de l'un des personnages principaux des aventures : Baccarat. Un passage particulièrement intéressant montre le goût du XVIIIe siècle encore présent sous le Second Empire.

 

Si l'impératrice Eugénie était très imprégnée du style de Marie-Antoinette, et donc de la fin du siècle des Lumières, dans cette description, nous avons plus affaire à une décoration intéreieure rocaille, inspirée par les artistes de Watteau à Boucher, dans un hôtel particulier contemporain de l'auteur du roman.

 

 

 

"Cet hôtel n'était, à vrai dire, qu'un vaste pavillon haut de deux étages, perdu à demi dans un massif de verdure formé par de hauts tilleuls presque séculaires, et entouré d'un vaste jardin. Mais tout ce que le luxe moderne a de recherches et de délicatesses semblait y avoir été apporté dans la décoration, la disposition de chaque pièce et son ameublement.

 

Une pelouse verte, entourée de massifs d'arbres et donnant accès, par une porte vitrée à deux vantaux, dans un vestibule dallé en marbre, rempli de fleurs en toute saison, et dont les murs étaient couverts de fresques délicieuses.

 

A gauche étaient la salle à manger, les offices et les cuisines ; à droite, une salle de bains, une serre et un joli salon d'été, dont la cheminée était surmontée d'une glace sans tain, à travers laquelle on apercevait les jardins. Ce salon, meublé en citronnier, avec des tapis de Smyrne et des jardinières pleines de fleurs dans l'embrasure des croisées, avait une porte-fenêtre qui conduisait, par trois marches sur une pelouse verte.

 

Au premier étage, se trouvaient le salon d'hiver, la chambre à coucher, le cabinet de toilette et le boudoir de Baccarat ; plus une toute petite pièce disposée en fumoir, et dont le baron d'O... s'était réservé la jouissance.

 

C'est là qu'il recevait parfois, le soir, quelques intimes, auxquels Baccarat servait du thé de ses belles mains.

 

Le second étage était destiné à la mère de la courtisane et aux domestiques.

 

Au fond du jardin, on avait construit un petit bâtiment destiné aux écuries et aux remises, car Baccarat avait trois chevaux, dont un de selle, un coupé et une américaine.

 

La chambre à coucher de Baccarat disait toute la vie et le caractère entier de Baccarat à cette heure surtout où il y régnait ce délicieux et mystérieux désordre qui se répand autour d'une alcôve de femme, de minuit à midi, et auquel rien au monde ne saurait remédier.

 

Les murs étaient tendus d'une étoffe gris-perle à reflets de moire, encadrée par une mince baguette d'or ; un épais tapis à grandes rosaces jonchait le sol.

 

Les rideaux du lit et des croisées étaient d'une étoffe semblable, mais lamée de larges bandes violettes qui en rompaient le ton monotone, et les fauteuils, les chaises, la dormeuse étaient en velours violet de même nuance que les bandes des rideaux.

 

Sur la cheminée, deux bergers de Watteau se contaient fleurette au-dessus d'une pendule rocaille, aux côtés de laquelle deux Amours bouffis supportaient une touffe de lis disposée en candélabre.

 

Une glace de même style, à cadre ovale, surmontait la cheminée.

 

Tout cela était un peu futile, peut-être, mais de bon ton, et l'absence de ces étagères chargées de ces petits riens coûteux qu'on a nommés bibelots, prouva tout de suite à sir Williams que Baccarat était une femme de goût."

 

 

Publié dans littérature

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