Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, 1976
Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, Pocket, 2007 (première édition, 1976).
Titre original : The uses of enchantments.
4ème de couverture : Contrairement à ce que l'on affirme trop souvent, les contes de fées ne traumatisent pas leurs jeunes lecteurs. Ils répondent de façon précise et irréfutable à leurs angoisses, en les informant des épreuves à venir et des efforts à accomplir.
Tel est en effet le postulat de ce livre majeur où Bruno Bettelheim nous éclaire sur la fonction thérapeutique de ces contes pour l'enfant et l'adolescent jusqu'à la puberté.
Grâce à cet ouvrage, illustré d'exemples tiré d'un patrimoine sans âge, des Milles et Une Nuits aux frères Grimm, de Cendrillon à Blanche-Neige et à la Belle au bois dormant, nous n'avons plus, nous parents, le même regard sur ces contes de fées qui offrent à nos enfants une chance de se comprendre mieux au sein du monde complexe qu'ils vont devoir affronter.
Dans cet essai de Bruno Bettelheim, l'interdisciplinarité est celle de la littérature et de la psychologie grâce à une interprétation psychanalytique. Il est divisé en deux parties axées sur l'utilité de l'imagination et l'utilité de l'enchantement dans lesquelles l'auteur décortique les contes de fées. Il aborde leur place dans le subconscient de l'enfant, le ça et le surmoi, notions fondamentales de la psychanalyse. Il explique que ces contes, loin d'être de simples histoires moralisantes, ont un rôle éducatif dans l'apprentissage existentiel de l'enfant et dans son évolution. Les questions de pulsions, de sexualité (à travers le complexe d'Œdipe et les difficultés pubertaires des garçons et des filles), les questions du conflit entre le bien et le mal, de la mort ou encore de la résilience y sont également abordées.
Bruno Bettelheim explique que par l'identification aux personnages des contes (fondée sur des notions de sympathie/antipathie et non sur une morale manichéenne) l'enfant, dans son subconscient, transforme ses questions existentielles en phantasmes. Ce faisant cette transposition inconsciente l'aide à avancer et à résoudre ses problèmes. L'auteur explique ainsi que le prototype de la méchante belle-mère est la résultante d'une dualité dans l'esprit de l'enfant. Un enfant peut ainsi reporter sa colère envers sa mère qui l'a sermonné sans pour autant se sentir coupable car ce n'est pas sa mère qu'il identifie à la méchante belle-mère mais uniquement une partie de son comportement. Il en est de même pour le personnage du chasseur qui représente le substitut du père-sauveur que l'on peut trouver dans Le petit chaperon rouge et Blanche-Neige. La rivalité entre frères et soeurs est également abordée notamment à travers Cendrillon, conte dans lequel la plus faible des trois soeurs finit par être heureuse malgré ses aînées.
Un point important abordé par l'auteur est la version des contes. En effet, il explique que c'est la version traditionnelle qui doit être racontée (plutôt que lue, élément également déterminant) car c'est la version originale qui permet aux enfants de se construire à ce niveau-là. Il prend ainsi l'exemple du Petit chaperon rouge. Dans la version de Perrault, l'histoire se finit lorsque le loup dévore le petit chaperon rouge alors que dans l'une des versions des frères Grimm, intervient un chasseur qui sauve la grand-mère et sa petite fille et punit le loup. Bruno Bettelheim explique que la version de Grimm est beaucoup plus utile à la construction de l'enfant que celle de Perrault car dans cette dernière il ne s'agit de rien d'autre qu'une mise en garde explicite sur la sexualité. Et en cela le conte perd de son intérêt. Cette affirmation de l'auteur est d'autant plus intéressante lorsque l'on sait que les contes écrits par Perrault ne l'ont pas été pour des enfants. En effet, ces contes, à toutes fins utiles, étaient destinés à l'éducation des jeunes filles et constituaient une entreprise pédagogique. Leur rôle (et le but de Perrault) est avant tout moralisateur.